Livre de bord

Entre Roratonga et les îles Tonga, les rencontres avec des baleines n’ont pas manqué. En de mémorables occasions, leur chant a pu être enregistré alors qu’elles évoluaient à proximité immédiate du bateau, et certains membres d’équipage ont profité pour se mettre à l’eau et évoluer quelques instants en présence de baleineaux. Retour sur le journal de bord entre Rarotonga et les îles Tonga, via les Samoa.

La houle de sud annoncée ainsi que le peu de vent dans la zone de Niué nous ont obligés à faire route directement sur l'ile de Tutuila, un peu plus au nord dans l’archipel des Samoa, pour profiter d’une légère brise d'est qui nous a poussés jusqu'à la baie de Poloa. Là, pas de possibilité de se rendre à terre car nous arrivions des îles Cook et il nous aurait fallu faire toute la paperasserie administrative pour entrer aux Samoas. Nous avons donc décidé d'attendre le mouillage principal prévu à Apia, la capitale, pour nous acquitter de cette corvée.

Et bien nous en a pris! A peine ancrés, nous avons pu profiter d'une séance de snorkelling d'un caractère plutôt singulier car il s'agissait de la première rencontre sonore avec les baleines à bosses. A peine la tête sous l'eau qu'un long râle se fit entendre, suivi d'un son plus aigu comme une complainte. Et lorsque nous avons compris de quoi il s’agissait, je vous laisse imaginer notre bonheur d'assister aux conversations de ces impressionnants mammifères tout en se baignant dans une eau à 28°C. L'hydrophone manuel a bien sûr tout de suite été mis à l'eau et ce moment mémorable a été enregistré pour être envoyé au laboratoire d’Applications Bioacoustiques de l’Université Polytechnique de Barcelone, notre partenaire dans le cadre du programme 20’000 sons sous les mers (Cliquer ici pour écouter le chant des baleines). Ce fut une grande émotion pour l’équipage.

Le lendemain, alors que nous nous apprêtions à reprendre la mer, nous avons eu la visite de la police locale qui est venue s'amarrer à notre bateau avec son speed boat, car nous n'avions pas remplis les papiers administratifs. Mais ils nous ont vite pardonné notre négligence et nous ont laissé repartir après avoir vérifié tous les passeports, quand même...

L’escale fut donc un peu plus longue sur l'île d'Upolu pour y récupérer nos trois nouveaux arrivants au port d’Apia: Laure et Philippe, deux passagers, et Ali, un jeune de 22 ans qui aura la fonction d'équipier jusqu'à Brisbane dans le cadre du programme socio-éducatif Jeunes en mer. La ville d'Apia est apparement tournée vers le tourisme, si l’on en juge par les multiples complexes hôteliers tous plus impressionnants les uns que les autres que l’on peut observer depuis le mouillage. Pour l’équipage, pas de visite de l'île car nous avons été occupé en salle machine par une fuite d'huile au niveau de l'échangeur et un problème avec le circuit d’eau douce. Argh! Bricoler dans de telles conditions de chaleur et d’humidité est aussi efficace qu'un bon sauna!! Certains ont néanmoins pu louer les services d’un guide pour faire une visite plus approfondie, dont ils ont retenu l’aspect luxuriant de l'intérieur et le nombre d’églises. D’autres plus téméraires ont sauté dans un bus local haut en couleur avec sono à fond. Et leurs échanges furtifs avec les habitants de l’île leur ont renvoyé à la figure leur état d’observateur-voyageurs éclairs reprenant le large sous peu, alors qu’eux, majoritairement pauvres, ne pourront sans doute jamais découvrir le monde avec autant d’aisance. Un dernier repas terre, quelques minutes d'internet et nous voilà repartis vers le large: 3 jours et 3 nuits prévus avant d'arriver aux groupes d'îles qui forment Vava’u.

Nous sommes partis d'Apia sous voile avec un petit vent d'Est qui nous pousse toutes voiles dehors, grand voile, artimon, clin, yankee et trinquette. Le Pacifique se montre sous son aspect le plus clément, presque pas de houle, ce qui est une chose rare ici. Un léger vent chaud fsouffle de manière tellement agréable la nuit que certains vont même jusqu'à dormir dans le filet de sécurité, sous le bout dehors à l'avant du bateau, chacun étant en perpétuelle recherche d'endroit frais.

Bonne surprise, Pietro le skipper a prévu un petit arrêt de quelques heures pour se rafraichir sur l'île pleines de promesses nommée simplement ;-) Niuatoputapu. Et décidément, c'est devenu un rituel: nous nous faisons une fois de plus accueillir par un ballet de baleines a bosses si bien que Pietro lance à la cantonade: " Allez-y, ceux qui souhaitent se mettre à l'eau peuvent! » En quelques minutes, nous nous retrouvons à quelques mètres de Fleur et emprunts d'une sensation intense, mélange de peur et d’excitation. Nous voilà nez à nez avec un baleineau se dirigeant droit sur nous, avec toute la majesté que son déplacement peut avoir. Il nous voit, il nous sait tout proche, alors il prend son temps mais tout en amorçant un virage pour nous éviter, il nous montre ses flans et le dessous de sa nageoire latérale, d’un blanc immaculé qui attire tellement l’oeil. Pendant une minute, nous n'étions plus présents sur cette terre mais comme faisant partis d'un rêve éveillé. Ces instants resteront gravés dans nos mémoires. Ces déesses des mers nous ont permis d'apercevoir un fragment de ce monde sous-marin qui parait intarissable de beautés. Merci à elles d'accepter notre présence.

Les amateurs de plongée ont pu observer aussi des raies aigles tout aussi majestueuses dans leur façon de se déplacer. Et ceux qui se sentaient plus à l'aise sur le bateau, munis de leur appareil photo, attendaient le saut d'une baleine pour immortaliser la scène. Cela demande beaucoup de patience et un brin de chance, et la photo de l'année ne sera pas prise cette fois-ci. Mais les baleines nous ont quand même ravis au moment de lever l’ancre en venant se présenter à nous en bande de six, laissant émerger ici une gueule, là une nageoire, là encore une caudale.

Après ce spectacle, c’est reparti: navigation d'une nuit et une journée pour atteindre Vava'u. A bientôt pour de nouvelles aventures. Salut à toute l’équipe à Genève.