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Le programme de monitoring des gaz à effet de serre à la surface des océan lancé fin 2017 aux Philippines en partenariat avec l’Université de Genève a déjà permis d’identifier plusieurs zones de forte émission méthane et dioxide de carbone entre Mactan et Singapour, où l’expédition fait escale depuis le 13 mars 2018. Ces premiers résultats préliminaires ont été présentés aux média par le Prof Daniel McGinnis, chef du groupe de Physique aquatique du Département F.-A. Forel de l’UniGE et responsable du programme dans le cadre de The Ocean Mapping Expedition, lors d’une conférence de presse au Republic of Singapore Yacht Club.

Le programme The Winds of Change de monitoring en continu des gaz à effet de serre à la surface des océans avait l’ambition d’apporter à la communauté scientifique des données de terrain inédites contribuant à une meilleure compréhension du rôle des océans dans la problématique du réchauffement climatique. Au vu de l’évolution préoccupante du climat et de l’acidification des océans qui en découle, il devait permettre de revoir de manière urgente nos concepts sur le cycle du carbone à l’échelle globale. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ses premiers résultats ne se sont pas fait attendre.

Lancé depuis Mactan, aux Philippines, en décembre 2017, ce projet pionnier mené en partenariat avec l’Université de Genève à bord du voilier suisse Fleur de Passion dans le cadre de The Ocean Mapping Expedition - tour du monde de quatre ans (2015-2019) dans le sillage de Magellan - a déjà permis de collecter en temps réel et en continu des données de référence essentielles sur les concentrations de méthane et de dioxyde de carbone tout au long de la route du bateau jusqu’à Singapour, où il fait escale depuis mardi 13 mars 2018, en provenance de Brunei puis Kuching, et jusqu’au 25 mars. Le programme The Winds of Change a également permis d’identifier de premiers « hot spots », des zones de forte émission de ces gaz à effet de serre nécessitant une attention particulière de la part de la communauté scientifique pour en surveiller la dynamique.

« Les données collectées au cours des deux mois écoulés depuis le lancement du programme Winds of Change aux Philippines sont très prometteuses et révèlent des informations et des phénomènes très stimulants », commente le Prof Daniel McGinnis, chef du Groupe de Physique aquatique à l’Université de Genève et responsable du programme dans le cadre de l’expédition.

« Les concentrations de méthane et de dioxyde de carbone augmentent très clairement à proximité des villes, à l’approche des îles et au-dessus des eaux peu profondes, autrement dit dans les régions impactées par l’activité humaine et où l’on observe une plus forte croissance des algues », explique-t-il.

« Le programme a déjà révélé plusieurs « hot spots », des zones de très forte émission de gaz à effet de serre qui nécessiteraient des études plus approfondies, poursuit le Prof McGinnis. Comme par exemple à Mactan où était amarré le bateau lors de son escale en décembre-janvier dernier et où les émissions de méthane sont plus de six fois supérieures à la moyenne. »

« Ces premiers résultats stimulants représentent un énorme pas en avant pour le projet et pour la problématique du réchauffement climatique dans son ensemble. Ils prouvent que notre approche est très efficace pour monitorer les gaz à effet de serre à la surface des océans », ajoute le scientifique américain.

Dans le cadre du programme The Winds of Change, le voilier de 33 mètres Fleur de Passion - un ancien démineur de la Marine allemande construit en 1941 et converti depuis en ketch - est équipé d’un analyseur de gas à effet de serre relié à une prise d’air située à 16 mètres au dessus de la surface de la mer sur le mât d’artimon (à l’arrière du bateau) et qui procède automatiquement à des analyses toutes les minutes. Il poursuivra ainsi sa mission climatique jusqu’au terme de l’expédition autour du monde, en août 2019 à Séville.

« Les équipements fonctionnent très bien et nécessitent peu d’attention de la part de l’équipage », se réjouit le scientifique qui a embarqué de Kuching à Singapour début mars pour vérifier les questions de maintenance.

« Nous sommes très fiers que le programme The Winds of Change de monitoring des gaz à effet de serre à la surface des océans fournisse de premières données de terrain inédites et qu’il contribue à ce que le réchauffement climatique demeure un sujet d’actualité », s’enthousiasme pour sa part Samuel Gardaz, vice-président pour les affaires publiques de la Fondation Pacifique, organisation sans but lucratif basée à Genève et initiatrice de The Ocean Mapping Expedition.

« Une telle initiative, pure émanation de la société civile, illustre une fois encore tout le potentiel et l’intérêt d’un voilier traditionnel comme Fleur de Passion sur le plan de la recherche scientifique en complément de bateaux océanographiques plus classiques », ajoute Samuel Gardaz.

« Le programme The Winds of Change offre l’opportunité d’accéder à une très large échelle géographique à des informations essentielles pour compléter celles disponibles par satellites jusqu’à présent à un moment où la communauté scientifique mondiale s’alarme précisément du manque de données sur cette question », poursuit le Prof McGinnis.

Comme l’explique le chercheur américain, « Le changement climatique est l’un des plus grands défis auxquels notre époque fait face et sa compréhension constitue un enjeu majeur pour la communauté scientifique. Pour qu’on puisse espérer inverser la tendance efficacement, les scientifiques ont besoin de disposer d’une vision globale et précise des concentrations de gaz à effet de serre à la surface des océans et d’être en mesure de mieux comprendre leur rôle non seulement en tant que réservoirs de tels gaz, mais aussi en tant qu’émetteurs, de source d’émission. »

« Or les océans émettent plus de gaz a effet de serre que préalablement estimé, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), insiste le Prof McGinnis. Il est donc urgent de réévaluer le rôle des océans dans le cycle du carbone mondial pour une meilleure compréhension des questions de réchauffement climatique. »

« Un projet pionnier tel que The Winds of Change mené à bord du voilier Fleur de Passion est donc une nécessité pour collecter en temps réel et en continu tout au long de sa route des données de terrain dont nous manquons sur les gaz à effet de serre et de permettre à la science de faire un pas en avant dans la compréhension du rôle des océans dans le processus actuel de réchauffement climatique », conclut-il.