Livre de bord

26 juin: Martine Sottas, Julien (nouveau jeune qui séjournera durant 2 mois à bord) et moi sommes bien arrivés à Salvador de Bahia.

Arrivés au port, à la Capitainerie, j'aperçois pour la première fois la silhouette élégante et racée de Fleur de Passion au large. Nous faisons connaissance de l'équipage: Antoine le capitaine, Olivier second, Vincent bosco et les deux jeunes Emma et Tim qui ont la banane en nous voyant débarquer. Nos cabines sont confortables et je peine à trouver le sommeil, trop d'excitations et d'émotions; c'est ma première expérience de navigation.

27 juin: visite du vieux Salvador avec Martine. Nous empruntons le fameux ascenseur art-déco qui relie le port à la ville haute (0,15 real la montée) et visitons les ruelles colorées du vieux Salvador entre deux trombes d'eau; nous sommes bien entrés dans l'hiver de l'hémisphère sud avec sa cohorte de pluies diluviennes. Nous apprenons qu'en France et en Suisse la canicule guette. Première aquarelle, posté depuis un bar minuscule d'une ruelle en pente. Le patron est aux petits soins et nous sommes charmés par la gentillesse des gens.

28 juin: quittons Salvador de Bahia sous un ciel chargé. Au loin, le skyline de la métropole dans les nuages et la pluie, direction sud-ouest, destination Morro de Sao Paulo. Ca roule et tangue... suis malade et nourris par deux fois les poissons... Avançons au moteur car nous avons le vent en pleine poire. Le temps s'ouvre finalement. Après 4 heures de navigation, observation d'une daurade coriphène, sautant derrière une sardine. Vincent installe le hameçon et déroule la ligne... Nous ne pêcherons rien de tout notre séjour... Les jeunes bronzent à tribord, Arrivée à 14h. à Morro de Sao Paulo. Iles magnifiques, petits bateaux colorés de pêcheurs. Nous mouillons non loin de l'ancienne porte d'entrée du village. Première baignade autour du bateau. Morro de Sao Paulo est une île fréquentée par un tourisme local et familial. Série de bars sur la plage, surf et plages de rêve. Ce sera aquarelle au soleil couchant pour Martine et moi et petite bière pour l'apéro. Olivier s'avère être un très bon cuisinier, il nous prépare un poisson aux patates douces délicieux.

29 juin: Il pleut. Nous observons des pans de l'île s'effondrer dans la mer, arbres et terre rouge glissants sous l'effet de la pluie et de l'érosion. Cette même pluie battante et le manque d'air nous empêche de hisser les voiles. Attente à bord. Olivier décide de se lancer dans un poulet bien épicé. J'ai l'impression d'être embarqué pour un voyage gastronomique... les périodes de quarts de navigation devraient nous ramener à une cuisine plus sommaire.

30 juin: Réveil à 5h. Petit déjeuner succinct. Première lumière du jour, nous hissons l'artimont et la grande voile préparée le soir avant. Départ sous une pluie battante. La mer est un peu agitée et je vomis et souffre encore du mal de mer. Difficile de dessiner dans ces conditions, je passe une bonne partie de la journée à l'horizontal dans ma cabine.

1er juillet: Réveil à 5h pour le lever du jour. Bonne nouvelle: il fait beau. Mauvaise nouvelle: durant la nuit la grande voile, que Vincent avait passé des jours à repriser avant notre arrivées, s'est déchirée. Notre voyage à peine commencé, nous devons nous faire à l'idée que nous devrons naviguer au moteur pour le reste du trajet jusqu'à Rio. Des nuées de poissons volants rasent les crêtes des vagues et font comme des éclats d'argent dans la lumière du matin. Tim va tout de même envoyer le Faux Foc à l'avant et, avec la voile d'artimon, nous voguons quelques heures à 2-3 nœuds... Olivier me donne quelques cours de terminologie navale. Antoine fait un nouvel essai de micros dans l'océan (projet "pollution sonore"). Dans l'après midi, nous observons très au loin les sauts de nos premières baleines à bosses. Sublime couché de soleil à 17h30, le jour tombe très tôt sous ces latitudes. Nuit étoilée magnifique. Nous trainons sur le pont arrière avec l'équipe de quart en écoutant du Fatal Picard (rime riche!)

2 juillet 2015: Beau temps. Nous continuons à descendre au sud. Antoine a décidé de faire halte à Caravelas, charmante petite ville de pêcheurs dans l'estuaire du Rio Caravelas. La côte composée de mangroves et de bancs de sable défile sous nos yeux. La remontée du chenal se fait tout doucement car nous sommes à marrée basse. Je commence enfin à faire mes premiers dessins intéressants et je n'ai plus de mal de mer. Virée "courses" avec Martine, les jeunes ont quartier libre, Vincent va chercher des infos concernant la réserve maritime des Abrolhos qui doit être notre prochaine destination. Nous tombons sous le charme de ce patelin improbable encore peu touché par la modernité. Les gens ne manquent de rien et il se dégage une langueur et une tranquillité qui contraste avec l'agitation de Salvador de Bahia. Nous dessinons sur le port, les pêcheurs recousent leurs filets, les enfants jouent au foot à pieds nus et deux trois vieux sirotent des bières au son de chansons d'amour un peu kitch. J'achète des grosses crevettes à un petit marchand et des bananes à un monsieur sans dents. Le crépuscule tombe, les chants d'oiseaux sont remplacés par ceux des grenouilles et nous visitons encore la belle église fraîchement repeinte vert émeraude de Caravelas. Antoine et le zodiac nous attendent au ponton. Nous rejoignons Fleur de Passion pour la nuit.

3 juillet 2015: Départ à 9 heures pour l'archipel des Abrolhos et sa réserve marine protégée. Les îles se trouvent à une quarantaine de miles au sud de Caravelos. Temps instables, gros nuages, essuyons de nombreux grains. A l'approche des îles, nous observons une série de sauts de baleines à bosses. Gerbes d'écume à l'horizon, sous un ciel gris voilé de pluies. Les fous de Bassans nous escortent jusqu'à l'île de Santa Barbara et son magnifique phare qui donne à l'ensemble un petit air de Bretagne. Magellan a-t-il fait escale sur cet archipel sauvage, royaume des oiseaux et des baleines à bosses? Ces dernières remontent de l'Antarctique durant l'hiver et trouvent ici un refuge dans les eaux chaudes du Brésil pour mettre bas. A peine avons-nous jeté l'encre que deux jeunes biologistes nous accostent et montent à bord afin de nous informer des règles à respecter sur le site. Afin de préserver les coraux alentours nous ne pouvons plus jeter nos déchets alimentaires par dessus bord. Antoine et Olivier partent en zodiac faire des essais de caméra sous-marine. L'heure du repas du soir arrive déjà, le capitaine a des envie de steak ce soir et un film hilarant fini de nous achever!

4 juillet 2015: Grand beau temps mais Antoine nous annonce que cela va changer... il prévoit de quitter déjà le lieu aux alentours de 13h, histoire de ne pas être rattrapé par le mauvais temps. Nous partons en direction du récif de corail afin de faire du masque-tubas. Enchantement total, nous nageons au milieu de poissons de toutes les formes et de toutes les couleurs: poissons perroquet, ange, coffre, mérou, murène et pour finir une petite balade sous-marine aux côtés d'une tortue carrette, le tout en un peu plus d'une heure de barbotage. De quoi me payer le coup de soleil du siècle! Nous quittons les Abrolhos pour l'Etat de Espirito Santo et croisons sur notre chemin un véritable festival de sauts de baleines à bosses... Il y en a partout et nous en dénombrons une bonne centaine durant plus de 3 heures de navigations. Les plus proches sont observées à environs 50-100m. Elles soufflent et sautent de partout au loin et on distingue bien les petits au milieu des adultes. Couché de soleil sublime et dernier saut de baleine dans l'horizon en feu.

5 juillet 2015: Le tanguage du bateau me réveille à 4 heures du matin. C'est l'horreur, j'ai l'impression que Fleur va se rompre sous les coups de boutoir de la houle. Sur le pont Antoine me rassure, rien que du très normal, un vent de force 6 - 7 et de belles vagues qui nous ralentissent considérablement, nous ne faisons plus que du 3 nœud! Je réussi quelques dessins dans la "tourmente" et vomis le peu qu'il me reste par dessus bord. Journée pénible. Nous finirons par nous abriter à Barra do Riacho dans l'état de Espirito Santo, un port industriel bien moche et bien gris ou d'immense cargos viennent décharger ou charger leur marchandise. Retour à une certaine réalité contemporaine...

6 juillet 2015: morne journée à ranger, bricoler et réparer le treuil de la grue; heureusement que nous avons notre Mc Gywer à bord en la personne de Olivier, qui réussira à réparer la chose malgré le peu de moyen à disposition. Chapeau l'artiste! Nous allons pouvoir monter le zodiac à bord. Le vent a faibli. Départ à 17h pour deux jours de navigation jusqu'à Rio. Tim et Emma comptent les heures...

Tom Tirabosco