Livre de bord

Après notre départ de Puerto Montt, mardi 9 sous un soleil de plomb, la première étape est Estero Chope, au sud du canal Calbuco qui sépare l’île du même nom du Chili continental. L’étape est courte

et nous naviguons dans des zones abritées pour permettre à l’équipage de s’amariner progressivement. La baie est complètement encombrée de fermes de saumon et nous peinons à trouver un passage parmi les bassins imposants.

Le nouvel équipage qui a pris le relais à Puerto Montt se compose de onze personnes, chacune avec ses expériences propres du monde marin. Il y a Jorge le skipper, venu de Buenos Aires, et son second breton, JJ qui a toujours une bonne blague de sa région. Les autres membres d’équipage sont Grégoire, chef de quart, Yaiza, responsable scientifique, Jolan, le fameux cambusier, et les jeunes mousses à bord, Luis et Manon. Pour cette partie du voyage jusqu’à Valdivia, Fleur de Passion embarque aussi deux professionnels de l’image. Peggy, auteur de bande dessinée et illustratrice, s’est tout de suite mise à croquer du pont à la cale, et Tomy, réalisateur de film argentin, promène son trépied du pont du bateau au dinghy depuis lequel il aime prendre Fleur de Passion sur fond de montagnes environnantes. Pierre, qui s’est embarqué comme passager, nous amène quant à lui le sourire du sud présent dans son accent marseillais.

Un programme plus copieux nous attend le mercredi 10 février. Nous décidons la traversée du Golf d’Ancud - entre la partie nord de l’île de Chiloé et le continent - malgré un vent de face annoncé à 15-20 nœuds. Celui-ci a formé les eaux du golf et Fleur de Passion rebondit de vagues en vagues. Certains d’entre nous font ressentir le mal de mer ainsi que la fatigue liée au vent fraîchissant et aux embruns constants. Nos efforts sont récompensés par l’arrivée dans l’estuaire de Quitupeu. Des sommets rocheux et des piques imposants entourent la baie. L’eau douce de plusieurs cascades se mêle à celle de l’océan.

Puisque le baromètre, sur lequel il ne faut jamais taper, a considérablement chuté, nous passons les deux jours suivant à proximité du parc naturel Pumalin Nord, au cœur des montagnes qui nous protègent des vagues trop désorganisées et rapprochées. Lors de notre dernière sortie, nous avons été surpris par une pluie battante et des rafales à plus de cinquante nœuds.

Ce matin encore, des otaries australes ont fait plusieurs fois le tour du bateau au mouillage dans un balai joyeux et dynamique. Elles semblent nous dire que le temps n’est pas encore venu pour se jeter une nouvelle fois dans le Golf d’Ancud. Décidément, nous allons attendre le passage de cette dépression pour repartir en direction de l’île Chiloé.