Livre de bord

Depuis Mindelo, l’île culturelle de l’archipel cap-verdien, l’expédition a effectué deux semaines de navigation dans la région, dans la seconde moitié du mois d’avril 2019.

Comme à chaque escale, l'arrivée à Mindelo sur l'ile de Sao Vicente a permis à l'équipage de s'occuper du bateau. Grand ménage à bord, plein d'eau, ravitaillement mais aussi petites réparations techniques. Mindelo, avec ses 72000 habitants, a l'avantage de proposer un choix suffisant de produits importés mais aussi des étalages de marché fournis par quelques fruits et légumes locaux (papayes, mangues, melons, bananes,...) qui viennent de la production de São Vicente ou qui ont juste eu à traverser le canal qui les sépare de Santo Antão.

Le port de São Vicente est le plus important du Cap Vert, c'est ici que transite la plupart des importations. Santo Antão, île la plus au nord du Cap Vert, est une chanceuse car elle profite de la saison des pluies tandis que Sao Vicente n'a, selon les locaux, pas eu de pluie depuis trois ans. Un désalinisateur approvisionne heureusement l'île en fonction des besoins. Après le passage de Fleur à Cape Town et les problèmes de sécheresse qu'ils ont eu là-bas, l'équipage prend de plus en plus conscience de l'importance de préserver cette richesse vitale pour l'Homme ainsi que pour toute vie sur Terre. Les gestes simples et les réflexes que chacun doit avoir pour économiser l'eau à bord se prolongeront, nous l'espérons, aussi lors de la vie à terre.

Le 15 avril 2019, nous levons l'ancre pour entamer la traversée du canal de Sao Vicente et ainsi rejoindre Porto Novo sur Santo Antão. Avec une régularité de métronome, les alizés soufflent comme tous les jours du Nord-Est entre 20 et 25 noeuds. Ce vent constant se renforce progressivement au fur et à mesure de la journée et d'autant plus dans les canaux à cause de l'effet venturi. Le mouillage de Porto Novo à l'Est de l'île offre une protection très moyenne contre les vents du Nord-Est et la tenue de l'ancre y est médiocre, nous restons donc vigilants.

L'équipe se divise en deux pour alterner une journée de visite de l'ile en voiture et une journée de travail à bord. Les îles du Cap Vert que nous avons eu la possibilité d'aborder ont toutes cet aspect lunaire et volcanique mais il se dégage de Santo Antão une atmosphère particulière. Elle est très aride et désertique au Sud et à l’Est et nous allons de surprise en surprise plus nous progressons au Nord-Ouest car là-bas, les montagnes accrochent les nuages et la bonne gestion de l'irrigation permet aux habitants de pratiquer l'agriculture en terrasse. Champs de patates dans les hauteurs et selon la saison, cannes à sucre et manguiers dans les vallées, nous avons été presque rassurés de voir un peu de vert sur ces îles rocailleuses où les nuances de brun sont majoritaires. 

Repartant dès le lendemain 16 avril, nous n'avons pu qu'imaginer les treks possibles dans ce décor digne de certains passages de la trilogie mythique du "Seigneur des Anneaux". Retour sous voiles à Mindelo pour y déposer une passagère qui rentre vers Genève et en embarquer deux nouveaux pour une navigation idyllique jusqu'au Sud de Santo Antão. Au mouillage de Tarrafal, nous sommes accueillis par de la musique et une ambiance animée dans le village en ce weekend de Pâques. Cette année, le jour de Pâques restera dans les mémoires des passagers de Fleur de Passion non pour ses éventuels et en fait très improbables lapins en chocolat mais plutôt pour le spectacle que quelques baleines à bosse bien en chair et en os nous offrent à une centaine de mètres du bateau. Impressionnant de les voir sauter en propulsant leurs 35 tonnes presque entièrement hors de l’eau.

Le 22 avril, nous remettons le cap sur Mindelo pour prendre à notre bord Tony et Vini, deux Cap Verdiens qui ont passé trente huit  années de leur vie à Genève. Tony est de retour au pays pour profiter de sa famille et de sa retraite et Vini fait des aller-retours entre le Cap Vert et la Suisse qu'il considère comme son deuxième pays. C’est particulièrement touchant pour l'équipage de leur faire profiter de la navigation jusqu'à Sao Nicolau. Ils n'avaient jamais vu les côtes de leurs îles depuis un bateau et la réflexion de Vini fait sourire certains d'entre nous: « Et bien, je n'aurais jamais pensé que l'île de Raso était aussi grande! »

L'orientation Nord-Est du vent et sa force 5/6 constante sont idéales pour une navigation à la voile bâbord amure. Fleur file ainsi toute la nuit, atteignant régulièrement 7 noeuds. Sao Nicolau a aussi son village de Tarrafal devant lequel nous mouillons au petit matin. Escale de courte durée car nous relevons l'ancre dès le lendemain à 5h du matin pour rejoindre Santa Luzia, que nous ne pouvons observer que depuis le bord car nous n'avons pas eu les autorisations de mettre le pied à terre. Il s'agit d'une île protégée utilisée à des fins de recherches scientifiques. Vini aura quand même la possibilité d'enfiler un masque et un tuba pour la première fois de sa vie pour aller découvrir les fonds marins avec les autres membres de l’équipage.

Le lendemain, de nouveau départ à 5h du matin pour profiter des vents plus faibles et d'une mer plus calme à ces heures très matinales, ce qui nous permet de remonter à Sao Vicente par le nord de l'île et profiter d'un vent arrière pour redescendre le long de la côte ouest sous voile quand le vent est établi.

Retour à Mindelo le 25 avril. Décidément, on s’y sent presque à la maison! Un des jeunes à bord, Kendry, dira même de manière ironique qu’il connait la ville « comme ma poche, encore plus que Genève! » Cette fois, il s’agit d’y faire les derniers préparatifs pour la grande traversée jusqu'aux Acores, environ 1700 milles nautiques que l'on espère avaler en 17 jours maximum, la météo nous le dira! Ce dernier passage à Sao Vicente nous permet de dire au revoir aux locaux avec qui nous avons sympathisé et qui nous ont bien aidés lors de notre étape Cap Verdienne, papi et sa femme, Tony et Suzanne, Vini, Cathy… merci!

Le weekend du 27 et 28 avril, nous accueillons à bord Tristan, Laura qui avait déjà embarqué sur Fleur quatre ans en arrière des Canaries jusqu’au Cap Vert dans les première semaines de l’expédition, Anne une dessinatrice nyonnaise et 18e artiste « en résidence » du programme culturel de l’expédition, et Léo, cuisinier à bord. Nouvelle configuration d’équipage pour une nouvelle aventure, c’est parti pour la traversée!!