Livre de bord

Arrivé à Durban, le 6 octobre 2018, le voilier a été entièrement dévêtu de ses voiles par l’équipage. Grand voile, artimon et voiles d’avant, toutes ont été consciencieusement retirées jusqu’à donner l’impression que Fleur de Passion n’est plus un voilier que de nom. La raison de ce dégréement de pied en cap: l’impérieuse nécessité de faire vérifier l’entier du jeu de voiles par l’entreprise qui les a fabriquées et se trouve être sud-africaine, North Sails; et, pour certaines d’entre elles, le besoin d’en changer, ni plus ni moins.

Voilà trois ans en effet, depuis septembre 2015 précisément, que Fleur de Passion naviguait avec les mêmes voiles, quasi non stop. Celles-là mêmes qui avaient été installées au Brésil. Pourquoi au Brésil? Parce que pour des raisons bêtement logistiques, ce nouveau jeu n’avait alors pas pu être réceptionné à temps à Séville avant le départ et Fleur de Passion s’était donc élancé pour son tour du monde sur les traces de Magellan avec ses anciennes voiles datant de 2009. L’équipage d’alors s’en souvient (lire ici le journal de bord de l’époque)

Ces derniers mois, rebelote et il était temps que le voilier atteigne Durban où quatre semaines de maintenance étaient heureusement programmées de longue date. Durant la traversée de l’océan indien d’avril à juin, certaines des voiles avaient donné des signes de faiblesse et l’équipage avait dû consacrer de nombreuses heures à recoudre ce qui ne manquait pas de se redéchirer dans la foulée…

Aussi dans le port sud-africain, Pere le skipper et l’équipe chantier composée de Khaled, Yffick, JJ et Victor ont-ils méticuleusement passé en revu le gréement à l’affût d’autres éléments à réparer. Cette inspection en règle s’est faite dans le prolongement de premières opérations d’entretien commencées à bord dès l’escale à Maputo quelques semaine plus tôt. Comme sur les cabillauds, ces pièces en bois servant à « tourner les manoeuvres » - à ranger proprement les cordages une fois la voile hissée ou affalée, en langage marin -, qu’on voit sur certaines photos vernis de frais et séchant au vent à l’arrière du bateau.

Et voilà! Après un premier arrêt à Richards Bay pour y faire les formalités d’entrée en Afrique du Sud, Fleur de Passion est arrivée à Durban samedi 6 octobre 2018. Et pour marquer l’événement comme en pareille occasion, Yaiza la cheffe de quart et coordinatrice scientifique a hissé les couleurs sur le mât d’artimon. Comme on peut le remarquer, Fleur a déjà été entièrement dégréé de ses voiles en prévision de l’important chantier de maintenance qui doit bientôt débuter prochainement, on y reviendra. Tout comme on reviendra plus en détails sur la séquence sud-africaine qui s'ouvre pour The Ocean Mapping Expedition.

Une première depuis le départ de l’expédition à Séville en 2015: le 9 septembre 2018, l’auteur de bande-dessinée genevois Frederick Peeters a embarqué sur Fleur de Passion à Tulear, dans le sud de Madagascar, rejoint le surlendemain par Khaled, second de bord. Ils y ont été accueillis par Pere le skipper, Yaiza la coordinatrice scientifique et cheffe de quart, et Victor le quatrième marin. Ainsi l’équipage se trouvait-il… au complet pour entamer la traversée du canal du Mozambique en direction de Maputo. Un équipage de 5 personnes! Une première depuis le départ de l’expédition, donc, pour une expérience inoubliable. Comme en témoigne le journal de bord.

« Pendant les cinq jours de traversée, le temps a été calme, sans beaucoup de vent. La mer aussi était tranquille, ce qui a permis à Fred Peeters de dessiner tout au long du voyage. En fait, Fred a dessiné à un rythme enviable, alternant portraits de tout l'équipage, dessins de l’équipage en train de travailler, les algues phosphorescent la nuit, dessins d'organismes planctoniques à travers la loupe binoculaire, etc.

Les conditions de navigation étaient particulières comme rarement: cinq jours de navigation avec cinq personnes à bord, soit des quarts de deux personnes pendant quatre heures. Des conditions qui permettaient de prendre le temps d'observer l'océan, de discuter des problèmes environnementaux et sociaux; le temps d'effectuer des mesures de la hauteur du soleil et de calculer la position estimée du bateau à l’aide du sextant, à l’ancienne; le temps de prélever des échantillons de micro-plastiques et de les observer attentivement au microscope avant conditionnement pour envoi à Genève; le temps également d'effectuer des cours de navigation et bien sûr le temps de se reposer et de s’émerveiller de l'immensité de l'océan.

En fait, l'équipage a été surpris par la quantité de microplastiques qui est apparu dans les échantillonnages. Chacun de ceux qui a été fait dans le canal du Mozambique contenait une quantité considérable de particules micro-plastiques, sans commune mesure avec ce avait été observé au large des côtes de Madagascar. A notre connaissance, il n'existe pas ou très peu de données sur la concentration de micro-plastiques dans le canal du Mozambique, ce qui signifie que ces prélèvements fourniront des données nouvelles et très précieuses sur cette région à nos partenaires de l’association Oceaneye, en charge de l’analyse des échantillons et de l’exploitation des résultats.

Le 18 septembre, Fleur de Passion a commencé son entrée par le chenal principal pour arriver à Maputo, un canal de maximum 12 mètres de profondeur, donc pas excessivement profond vu le tirant d’eau de 3 mètres du bateau. Un chenal plein de baleines et de oiseaux océaniques. Une entrée sinueuse rythmée par les bouées qui jalonnent le canal principal, 5 heures de navigation et d’attention redoublée pour enfin voir la ville de Maputo. Le contraste fut grand avec Madagascar, la capitale du Mozambique offrant au regard un paysage de gratte-ciel, de bus modernes circulant sur la route, de bruits de voitures, d'énormes cargos et autres bateaux de pêche. Tout l'équipage a été impressionné par ce changement radical de paysage et de réalité après ces longs mois précédents de navigation le long de la côte malgache, depuis juillet. 

Après quelques jours de paperasserie bureaucratique pour s’acquitter des formalités d’entrée dans le pays, l'équipage a profité de l'occasion pour visiter Ilha de Inhaca, à vingt milles de Maputo. Pendant le trajet, des dizaines de baleines sont apparues et une partie d’entre elles ont été enregistrées avec l'hydrophone. Une expérience incroyable qui a clôturé deux semaines de navigation inoubliables. »