Livre de bord

Nos sept nouveaux mousses n’ont eu que 19h à bord de Fleur de Passion avant de se mettre dans le bain, ou plutôt la marmite bouillonnante du Pacifique agitée par des rafales à plus de 30 nœuds (60 km/h) pendant la première nuit et 4 m de creux!

Après sept semaines d’escale à Valdivia, c’est reparti! The Ocean Mapping Expedition a repris son périple dimanche 10 avril à 7 heures locales (midi en Suisse), cap sur Tahiti. Avec à son bord un nouvel équipage de quinze personnes, Fleur de Passion rejoindra d’abord l’île chilienne de Robinson, dans l’archipel de Juan Fernandez à quelque 360 miles du continent , puis l’île de Pâques, également chilienne, avant de poursuivre vers Papeete, en Polynésie française, où l’arrivée est prévue pour la fin du mois de mai. L’objectif est d’être en Australie à la fin de l’année.

A la barre de cette première moitié de traversée du Pacifique, Sébastien le skipper est entouré de son fidèle second Yffick, avec lequel il avait assuré l’étape Rio de Janeiro-Buenos Aires en septembre-octobre dernier, et de deux chefs de quart, Grégoire et Inès. Avec eux a embarqué un groupe de sept jeunes adolescents genevois, 1 fille et 6 garçons, ainsi que leurs trois accompagnateurs, Gérard, Marc-André et Sophie, dans le cadre du programme socio-éducatif Jeunes en mer organisé par l’association Pacifique. Ainsi qu’un biologiste chilien, Felipe, observateur officiel assigné à l’expédition par le Service hydrographique de la Marine jusqu’à l’île de Pâques.

Pour cause de météo problématique, Fleur de Passion fait route au nord en direction de Conception, à quelque 220 miles, pour trouver à s’abriter le temps que la dépression située au sud-est de Valdivia finisse de s’estomper vers le sud et que la voie se libère vers l’archipel Juan Fernandez.

Avec ce départ, c’est une nouvelle mais excitante fatigue qui attend l’équipage. Car dans les derniers jours, les opérations d’avitaillement ont redoublé d’intensité et quelques heures n’y ont pas suffit! Grégoire et Inès, sur les indications d’Yffick, y a consacré plusieurs jours le temps que le groupe arrive, samedi matin, transformant le pont du voilier en véritable supermarché à ciel ouvert! Imaginez la scène: réaliser les achats de produits de base pour quinze personnes et cinq (!) mois du fait des coût élevés d’avitaillement dans les îles du Pacifique… Un sacré défi. Cela a été tout l’art d’Yffick, justement, d’estimer les quantités nécessaires sur la base de la consommation quotidienne de quinze personnes, de la durée de conservation du produit et… des capacités de rangement à bord! Au fond, transposé au XXIe siècle, un exercice pas très éloigné de ceux auxquels s’étaient livré Magellan et ses hommes à leur époque. Avant leur départ de Séville et à quelques rares escales. Car quand ils se sont élancés pour la traversée du Pacifique et plus de trois mois de mer sur un océan dont ils ne connaissaient pas l’immensité, eux n’avaient pas eu le bonheur d’un quelconque supermarché les attendant gentiment à la sortie du détroit nouvellement découvert…

Mais revenons à bord de Fleur de Passion… Les quantités embarquées sont impressionnantes et l’exercice a été périlleux car il s’est agit aussi que les choses soient facilement accessibles et identifiables pour que rien ne se gâte par négligence ou parce que rangé au fin fond d’on ne sait plus où. Pour prendre quelques exemples, l’avitaillement comprend notamment 120 kg de farine et idem de riz, 150 kg de pommes de terre, 60 kg d’oignions, 50 kg de carottes, 80 bouteilles d’huile d’olive… Le poids total des provisions chargées s’élève à 2,5 tonnes! La quantité, mais aussi la forme et le poids des boites, paquets, sachets, etc étaient telles que le rangement jusque sous les bannettes dans les cabines et sous les planchers a ressemblé à une véritable partie de Tétris ou de Rubik’s cube, histoire d’optimiser le moindre espace disponible. Il va sans dire que depuis les magasins du centre ville, sur le ponton et jusque dans les entrailles du voiliers, l’opération a été un très long et fastidieux exercice physique pour tout l’équipage. Mais l’exercice en valait la peine et tout le monde avait pleinement conscience que tous ces aliments péniblement portés à bout de bras seraient bien appréciés, plus tard pendant la traversée…

Puisant au meilleurs du suspens hitchcockien, le récit inachevé de JJ fabriquant de nouvelles marches pour améliorer l’accès à la salle des machines, amorcé les semaines dernières, attendait son épilogue.