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En cet été 2018, les navigations de Fleur de Passion dans le nord de Madagascar ont pris des airs de retour dans le passé pour trois des personnes du bord, le skipper et deux passagers venus en famille dans le cadre du partage de l’expérience que propose l’expédition, en marge des programmes scientifiques, socio-éducatifs et culturels. Trois des membres fondateurs de l’association genevoise Pacifique qui a racheté puis restauré le voilier de 2003 à 2009, et qui allait par la suite donner naissance à la fondation du même nom, en 2007.

En 1997, c’est en effet sur l’île de Sakatia que Pietro, Stéphane et Bruno s’étaient retrouvés au gré de leurs pérégrinations respectives. Plus de vingt ans après, marqués en particulier par de longues années de bénévolat qui ont permis de donner un nouveau printemps à Fleur de Passion et d’en faire la plateforme logistique de l’actuelle The Ocean Mapping Expedition, c’est dire si les navigations d’aujourd’hui dans le nord de Madagascar l’ont été sous le signe des souvenirs et du partage, entre amis et familles.

Les activités scientifiques liés aux quatre programmes en cours ne s’en sont pas moins poursuivies, les jeunes passagers prenant avec entrain le relai de l’équipage pour se familiariser avec les problématiques de la pollution micro-plastique (programme Micromégas) ou sonore (20’000 sons sous les mers) des océans, le blanchissement des coraux (CoralWatch) ou encore le changement climatique (The Winds of Change).

Au registre du partage de l’expérience, et en présence des deux mousses du programme socio-éducatif Jeunes en mer, chaque jour a également apporté son lot d’activités plus ludiques, baignades à la rencontre de la faune et de la flore locale en particulier. Le tout dans un esprit de convivialité, de partage et d’échange entre personnes d’horizons très variés.

En ces circonstances très particulières, c’est Stéphane Fischer, alias Pitch, qui témoigne, membre fondateur de Pacifique et l’un des « trois de Sakatia » il y a plus de trente ans.

Sakatia, ou la nouvelle île aux tortues.

« A quelques encablures de la côte ouest de Nosy Be, la grande île touristique de Madagascar, se trouve la minuscule île de Sakatia qui s’étend sur à peine 3 km2. Recouverte d’une verdure abondante, bordée de plages idylliques, Sakatia est un havre de quiétude et de nature (presque) sauvage.

Quelque 500 habitants répartis sur plusieurs villages et wazas (blancs) propriétaires ou gérants de lodges de plongées, de pêche se côtoient en harmonie. On y pratique un tourisme respectueux et écologique. Les véhicules à moteur sont bannis de l’île. Les seuls bruits de moteurs que l’on entend sont ceux des génératrices ou des bateaux qui assurent les navettes avec Nosy Be ou les vedettes qui transportent les touristes, relativement nombreux à cette période de l’année.

Pour le skipper et une grande partie de l’équipage, l’escale à Sakatia est une sorte de retour aux sources. C’est là que Pietro, Sophie, Séverine et Stéphane avaient débarqué le 26 juin 1997 à bord de leur voilier Elodie pour rendre visite à un ami plongeur, Christian, alors propriétaire d’une lodge sur l’île. C’est aussi à Sakatia que deux autres passagers actuellement à bord, Sabine et Bruno, étaient venus les retrouver durant l’été pour une croisière dans les îles environnantes.

C’est donc avec un mélange de curiosité et d’appréhension que les six compagnons, réunis cette fois-ci à bord de Fleur de Passion avec leurs enfants, retrouvent Sakatia. 

Christian ayant vendu ses bungalows n’est plus là pour nous accueillir. On retrouve de vieilles connaissances parmi les habitants: Richard et sa compagne genevoise Anne Christine, qui a fondé et construit une école pour les enfants du village; Célestine qui tient un petit restaurant sur la plage et sa fille Mimine devenue maman et maîtresse d’école; Clarisse la commerçante; Jacques le waza pêcheur, etc. 

Au fil des discussions, on se redonne des nouvelles des uns et des autres. On parle de Genève et bien sûr de Sakatia, des cyclones dévastateurs de l’année dernière, de la pêche qui n’est plus aussi abondante qu’autrefois, des rumeurs faisant état de la vente de la partie est de l’île à un grand groupe hôtelier pour y construire un complexe touristique pour clients fortunés. 

Parmi les bonnes nouvelles, on apprend que l’une des nouvelles attractions touristiques de Sakatia est constituée par une petite zone de mer truffée de patates de corail et dont les fonds sablonneux sont recouverts d’algues vertes filamenteuses que viennent brouter des dizaines de tortues marines. Entre deux repas, ces gros animaux placides et débonnaires, nagent paresseusement entre deux eaux remontant juste à la surface pour expirer et reprendre leur respiration.

Ironie du sort, ces algues dont les tortues se délectent ont été plantées artificiellement sur les fonds marins dans le cadre d’un projet d’entraide visant à assurer des ressources complémentaires aux habitants de l’île. En effet, séchées et broyées, les algues peuvent être transformées en farine pour nourrir le bétail. Le projet n’a visiblement pas séduit les habitants. Il fait par contre le bonheur des tortues marines, quoique… En tout cas celui des touristes qui viennent nombreux pour les observer. 

En effet, la cohabitation entre les touristes et les reptiles amphibiens n’est pour l’heure pas très heureuse. Chaque jour, des dizaines de bateaux à moteur remplis de touristes pénètrent dans l’herbier. Sautant à l’eau, les touristes équipés de palmes, masques et tubas se bousculent autour des tortues, certains allant même jusqu’à les toucher. 

Pour éviter que les animaux ne s’en aillent voir ailleurs si les algues sont plus vertes, les habitants de Sakatia viennent d’obtenir une protection officielle de l’herbier à tortues. Des bouées seront prochainement installées autour de la zone pour éviter que les bateaux n’y pénètrent. Les touristes seront obligés de nager pour observer les tortues. Peut-être que leurs guides parviendront aussi à leur inculquer quelques règles de bon comportement, comme par exemple celle de ne pas toucher des animaux sauvages…. »