Livre de bord

Fin juillet, tandis que l’expédition sillonnait une autre partie de l’archipel polynésien après son escapade dans les Australes un mois plus tôt, c’est un équipage nombreux qui a séjourné à bord de Fleur de Passion. L’occasion d’évoquer sous forme de témoignage ce que représente la vie dans un espace réduit, ses contraintes et sa richesse.

« Après une semaine de vie sur Fleur de Passion, la vie commune se met en place, les routines s'installent, chacun trouve sa place. Comment cohabitent 18 personnes dans un espace limité, partageant cuisine, cabines, et l'espace restreint du pont? Comment s'organise un groupe avec des familles, des enfants, des adolescents, des couples, un équipage? Un groupe qui ne se connaissait qu'en partie, parfois pas du tout, qui maintenant non seulement découvre ces îles extraordinaires, ces lieux magiques et mythiques, mais qui doit aussi travailler ensemble, affronter des problèmes, accomplir des corvées.

Bien sûr, il n'y a pas de recette universelle. L'entente dépend sûrement des individualités de ce groupe particulier, des différentes attentes, des limites de chacun. Depuis que la navigation existe, la vie à bord est organisée, des règles sont définies, l'autorité du skipper et de son équipe assurent que les tâches soient réparties, que chaque personne sache ce qu'elle a à faire, et ce qui n'est pas toléré.

Mais être 18 à bord, c'est beaucoup. Il y a peu de place, les cabines sont pleines, l'attente pour les toilettes parfois longue. Les déplacements sont faits d'évitements, de croisements, de frôlements constants. L'espace personnel est réduit au minimum. Les repas se font en deux temps, les enfants d'abord, les adultes attendant parfois impatiemment de pouvoir manger aussi. Le quart de cuisine est tendu, il faut faire vite, bien s'organiser pour que tout le monde ait des plats chauds à manger, que suffisamment de vaisselle soit disponible.

Au mouillage, et lorsque le temps et le décor sont magnifiques, tout cela est, avouons-le, assez facile. Se réveiller dans le lagon de Bora-Bora, avoir comme seul plan journalier de plonger dans les jardins de corail de Tahaa, de visiter une ferme de perle ou une plantation de vanille, tout cela est si agréable et excitant que tout le monde est de bonne humeur, les sourires ne disparaissent presque jamais, les rires sont fréquents, la patience sans limite.

Mais lors de journées de navigation, avec une équipe fatiguée par les quarts de nuit, la houle qui lamine autant le moral que les estomacs, notre petite société est mise à l'épreuve. Chaque personne réagit différemment. Certains s'isolent un peu, se réfugient dans leur monde, les écouteurs ne quittent presque plus les oreilles. Ceux-là s'expriment peu, se réfugient dès que possible dans un coin. D'autres parlent beaucoup et doucement, se confient au gré des longs quarts de nuit, cherchent la chaleur de l'autre. Parfois le ton monte, on s'engueule, on se réconcilie.

Et puis le prochain mouillage arrive, les aventures se succèdent. Les groupes se font et se défont, tous s'efforcent à bien vivre ensemble. Finalement, la vie commune n'est possible que par une suite continue de petits efforts, de compromis, de discrètes attentions. Nous avons passé seulement dix jours ensemble, déjà dix jours. Le groupe est devenu plus uni, la vie plus harmonieuse. Vivre 18 à bord, c'est devenir une grande famille.

Une famille douce, parfois amère,

Qui ride encore la peau de la mer, à tous notre mère. »

Après deux semaines d’escale à Papeete puis une rapide navigation vers Moorea, Fleur de Passion est reparti samedi 18 juin 2016 en direction du

Et voilà! Le nouvel équipage est arrivé début juin sur Fleur de Passion, il restera deux mois à bord et assurera une part des navigations