Livre de bord

L’été australe n’a d’été que le nom. Partie par une météo plutôt clémente dimanche 6 décembre de Punta Arenas, The Ocean Mapping Expedition et le nouvel équipage ont vite pu vérifier la pertinence

d’avoir équipé Fleur de Passion de deux chauffages en prévision de la traversée du détroit de Magellan. Récit depuis Bahia Queta par 54°20.68'S et 70°43.95’W, où l’expédition a fait halte mercredi pour une petite virée à terre.

Bonjour à tous depuis Fleur de Passion, au mouillage à Bahia Queta. Nous sommes aux confins du monde, entourés de montagnes enneigées et de bras de mer qui se perdent au fond des canaux de Patagonie. Des méandres qui, sans cartes, rendraient fou n'importe quel marin d'aujourd'hui! Dès notre première navigation, en quittant Punta Arenas dimanche 6 décembre, une question nous a tous taraudé l’esprit: « Et comment faisaient Magellan et ses compagnons? » Fou ou pas, c'étaient de sacrés marins, et surtout des hommes d'une trempe que nous ne connaissons plus vraiment. Ici, les éléments sont à une autre échelle. Je parle des dimensions et des distances, du froid, du vent, de la neige et de la pluie (on est en plein dedans...)!!! Punta Arenas aurait pu nous bercer d'illusion avec ses 18°, le samedi avant notre départ... Nous en étions encore aux préparatifs. Maintenant, c'est le plat de résistance.

La première navigation nous a permis de découvrir la nouvelle garde robe de Fleur de Passion... seul Sébastien le second en avait déjà profité lorsqu’il avait skippé le bateau de Rio de Janeiro à Buenos Aires. Deux ris dans la grand voile, un ris dans l'artimon et départ au petit matin avec 15 noeuds de vent. Nous hissons la trinquette dès que le vent adonne un peu et nous voilà, à la voile, dans le canal de Magellan, plein Sud!

La journée se déroule comme dans un rêve: voici le premier albatros suivi par des pétrels et serait-ce des pingouins là-bas?! Au passage du premier cap, les équipiers de quart aperçoivent le premier souffle d'une baleine en traversant le canal pour nous rendre a Bahia Morris. Un phoque nous salue en passant, le ventre à l’air. La luminosité est superbe et nous avons le bonheur de découvrir un paysage splendide où les montagnes se découpent en plusieurs plans. En arrivant dans la zone, le souffle de nombreuses baleines. Chacun y va de son « y’en a une là, oh là bas! » L'entrée dans la baie se fait au ralenti car elle n'est pas notifiée dans le guide. L'ancre est Mouillée, le zodiac mis à l’eau. Le temps n'est plus aussi beau et nous savons que les prochains jours seront moins lumineux quoique selon la météo, il ne devrait pas y avoir de "grosses" pluies.

Après une courte halte, nous reprenons la mer. Le vent forcit, nous nous dirigeons vers Bahia Queta. Voilà, la baie au pied du Monte Sarmiento, caché dans les nuages, nous attend. Dans la descente vers celle-ci, quelques vagues traîtres chahutent le bateau. On contourne enfin le petit cap et tout se calme, l'eau est lisse, on pénètre dans la baie et l'ancre est mouillée dans 10 mètres de fond. C'est magnifique, nous sommes entourés de falaises, de montagnes enneigées et de forêts primaires. Et pour ponctuer cette arrivée, un condor apparaît dans le ciel...

La bateau est sécurisé avec des amarres latérales qui empècheront celui-ci de partir en travers et donc de déraper. Nous sommes confiants. Nos deux mousses George et Luis ont été vaillants dans cette manoeuvre! Ils s'en souviendront et cela les a soudés! Ces deux amarres de 200m de long ont été achetées au Brésil cet été en prévisions des conditions de mer et de mouillage dans les canaux de Patagonie.

Ce mercredi, visite à terre, la quasi totalité de l’équipage se disperse par petits groupes pour explorer cette étonnante terra incognita. La progression est difficile dans la forêt primaire... Souches, mousses, lichens sur de grandes épaisseurs, sans parler de l’humidité. Je suis avec Pierre notre dessinateur, les deux mousses Luis et George avec Camille. Le troisième groupe est composé de nos deux photographes-caméraman, Vincent et Tomy. Chacun choisit sa route et progresse au mieux dans cet enchevêtrement. Quant à eux, Candy, Raphaël et Sébastien veillent à bord: exclu de laisser le bateau seul dans ces contrées tourmentées, malgré les amarres, le moteur doit même être en tout temps fonctionnel dans la seconde en cas de besoin...